Éditos

Fraude à la Sécu : la faute à qui ?

Chaque année, le manque à gagner dû aux malversations en tous genres se chiffre en milliards d’euros. Mais les plus grosses arnaques ne viennent pas des usagers …

C’est « le » chiffon rouge à ne pas agiter devant certains hommes politiques : évoquer les fraudes à la solidarité sociale, c’est immanquablement s’entendre réponde que c’est « la faute aux » …. aux pauvres, aux étrangers, aux chômeurs – rayez la mention inutile. Sauf que si l’on regarde du côté de la Sécurité sociale la réalité est tout autre. En l’occurrence, les plus gros fraudeurs ne sont pas les citoyens. Pas vous non plus qui me lisez à cet instant. N’empêche : ne vous en déplaise, les fraudeurs, ce sont dans la grande majorité des cas des professionnels de santé.

Passons sur ces quelques phrases volontairement provocatrices et regardons maintenant les faits en face. En présentant ses chiffres la semaine dernière¹, l’Assurance Maladie a crié Victoire ! Plus de 600 millions d’euros de fraudes ont en effet été détectés et stoppés en 2024. Les tricheurs ? Certes, pour moitié on trouve les assurés sociaux, pour un quart les professionnels et pour un cinquième les établissements. Mais si l’on se penche sur les montants, ces mêmes professionnels représentent plus de 400 millions d’euros, dont 115 millions pour les seuls audioprothésistes, c’est-à-dire plus que le total des usagers (100 millions d’euros « seulement »). Un quart des faudeurs donc, mais les deux-tiers des fraudes.

Pour autant, c’est le premier enseignement de ce travail et cela, l’Assurance maladie prend bien soin de le rappeler, ces arnaques sont le fait d’une « toute petite minorité de professionnels qui est là pour gagner de l’argent et pas pour soigner » pour reprendre les mots de Thomas Fatôme. Des professionnels justement qui … se sont « professionnalisés dans la fraude avec des méthodes de plus en plus sophistiquées ».

Deuxième enseignement : les résultats des contrôles ont connu une augmentation spectaculaire en termes financiers. Plus 35% par rapport à 2023 (628 millions contre 466), plus de 200% même si l’on se réfère à 2021. Même amélioration également pour les fraudes évitées grâce aux contrôles a priori avec 260 millions d’euros, en hausse de 50% par rapport à 2023. Il est vrai que, dans le même temps, les fraudes elles-mêmes ont explosé. Pour les audioprothésistes par exemple, avec 115 millions elles ont été multipliées par cinq en un an ! Autant dire que les pharmaciens (62 millions, +3% par rapport à 2023), les infirmiers libéraux (56 millions, + 11%) et les transporteurs (42 millions, + 22%) arrivent loin derrière.

Troisième enseignement : c’est grâce à de nouveaux dispositifs que l’Assurance maladie a amélioré ainsi ses résultats. Citons notamment l’instauration du téléservice de surveillance aux fausses ordonnances appelé ASAFO-pharma, la mise en place d’un certificat d’arrêt de travail CERFA sécurisé ou encore le développement des ordonnances numériques (56 millions déjà créées). Ces progrès seront-ils suffisants ? On est en droit d’en douter, surtout quand on sait que l’immense majorité de ces fraudes est liée à la création du « 100% Santé » et au développement anarchique de centres dans les secteurs dentaire, visuel et d’audioprothèses. Mais peut-être les propositions de notre ami Olivier Milcamps dans cette même Newsletter feront-elles avancer les choses.

Le dernier enseignement, lui, se lit « en creux » et iil impose un optimisme tout relatif : dans son dernier rapport de 2024², la Cour des Compte mentionne un « net progrès » dans le recouvrement de ces fraudes mais elle évoque également un « changement d’ampleur nécessaire ». Et, surtout, elle estime que le montant total des fraudes à la Sécurité sociale se situe … « entre 3,8 et 4,5 milliards d’euros ». Soit, ajoute-t-elle, « un tiers du déficit total de la branche Maladie ». L’efficience de notre système de soins, une des obsessions de Coopération Santé, passe aussi, passe d’abord par là.

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