Tribunes

Accès aux soins : les inégalités persistantes pour les étudiants ultramarins

Lorsqu’on parle d’inégalités sociales, les ultramarins en sont un exemple frappant.

Lorsqu’on parle d’inégalités sociales, les ultramarins en sont un exemple frappant. Les personnes provenant de ces territoires sont soumises à des conditions de vie plus difficiles : selon le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE), le nombre de personnes n’ayant pas accès à l’eau potable est bien plus important dans les Départements, régions et collectivités d’Outre-Mer (DROM-COM) que dans l’Hexagone. De plus, se développer dans le système de l’enseignement supérieur est plus ardu : le taux de décrochage scolaire est deux fois plus élevé dans les DROM-COM que dans l’Hexagone. Les personnes nées aux Antilles ou à La Réunion ont, par rapport à la France hexagonale, 20% à 25%¹ de chances en moins d’obtenir un diplôme du supérieur. Pourtant, les besoins de ces territoires en professionnels de santé sont de plus en plus importants.

Selon une enquête de l’Association Nationale des Étudiants en Pharmacie de France (ANEPF), une écrasante majorité des étudiants ultramarins en pharmacie (89,09%)² exprime le souhait de travailler en Outre-Mer au cours de leur carrière, témoignant d’un fort attachement à ces territoires. L’absence de facultés de pharmacie dans les territoires d’Outre-Mer les oblige à poursuivre leurs études en métropole, où ils rencontrent des obstacles significatifs qui compromettent souvent ce projet de retour.

L’isolement des étudiants ultramarins

Les étudiants venant des territoires d’outre-mer doivent faire face à un cumul de difficultés qui rendent leur conditions de vie et d’études plus complexes. Première difficulté : l’éloignement. En quittant leur île pour venir étudier en métropole, ces jeunes adultes perdent souvent leurs repères médicaux habituels.

“Les profs ne prennent pas en considération la difficulté que c’est d’effectuer sa toute première année sans sa famille dans une ville inconnue. C’est assez effrayant, et surtout pour une fille. Il faut se débrouiller seule, tout faire seule, sans ses parents (qui vivent à 24h d’avion)” déplore une étudiante à Bordeaux originaire de Polynésie Française.

L’isolement social et géographique est une autre source de préoccupation. 67,3 % des étudiants ultramarins appréhendent leur arrivée en métropole, et 94,44 % citent l’absence de famille sur place comme facteur d’angoisse majeur. Cette situation est aggravée par les difficultés à se loger pour 45,45 % des étudiants ultramarins et à accéder aux soins, pour 50,91 % d’entre eux.

L’accès aux études de santé : encore plus d’embûches pour les étudiants ultramarins

Une autre des principales problématiques est l’omniprésence des prépas privés dans les DROM-COM. Ces structures, perçues comme indispensables pour réussir la première année de santé, sont fréquentées par une majorité d’étudiants ultramarins. À La Réunion, par exemple, les prépas privées sont presque incontournables, avec des coûts pouvant atteindre 13 000 € par an. Cette situation est exacerbée par le manque de tutorats efficaces, poussant les étudiants à recourir à ces solutions coûteuses. En métropole, 18,79% des étudiants recourent uniquement à une prépa privée, contre 43,60% des étudiants ultramarins. De plus seuls 30,90% des étudiants ultramarins recourent à un tutorat, contre 75,84% en métropole. Le développement et le soutien des tutorats dans les territoires d’Outre-Mer sont essentiels pour réduire la dépendance aux prépas privés.

Une inégalité structurelle : le paradoxe de l’égalité des droits

Si tous les citoyens français bénéficient des mêmes droits, leurs conditions de vie sont bien différentes. Les territoires ultramarins illustrent parfaitement ce paradoxe : ils relèvent du même cadre législatif que la métropole, mais souffrent d’un manque criant de structures de soins, d’un éloignement géographique majeur et d’une précarité financière plus marquée.

Manque de spécialistes, délais de rendez-vous allongés, pénuries de médicaments… Ces difficultés expliquent pourquoi de nombreux jeunes préfèrent consulter en métropole lorsqu’ils en ont l’occasion, ce qui aggrave encore les inégalités une fois qu’ils sont étudiants.

L’adaptation à la vie universitaire métropolitaine est un autre défi majeur. 80 % des étudiants ultramarins ont besoin d’aide à leur arrivée, et 75 % d’entre eux s’informent principalement via Internet, faute de soutien institutionnel adéquat. Les difficultés administratives, notamment pour l’obtention de bourses, sont également prégnantes : 32,73 % des étudiants ultramarins rencontrent des problèmes dans leurs démarches, principalement liés à des critères d’attribution inadaptés à leur situation.


L’attribution des bourses doit être adaptée au contexte économique et géographique des étudiants ultramarins, indépendamment de leur situation familiale. Enfin, des mesures pour faciliter le retour des étudiants dans leurs territoires d’origine, comme l’uniformisation des démarches administratives et l’amélioration de l’accessibilité aux aides à la mobilité, sont indispensables.

Vers une reconnaissance des spécificités ultramarines

Les inégalités sociales nécessitent une prise de conscience collective et des actions concrètes pour éviter que l’éloignement géographique et les barrières financières ne deviennent des facteurs d’exclusion des ultramarins.

Garantir une véritable équité dans l’enseignement supérieur et dans la vie universitaire implique de prendre en compte les réalités de chaque territoire et de proposer des solutions adaptées aux besoins spécifiques des populations concernées. Pour les étudiants ultramarins, cela passe par une meilleure reconnaissance de leurs difficultés et par la mise en place de dispositifs ciblés afin que leur parcours académique ne soit pas synonyme de renoncement aux soins.

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