Éditos

Sauver la science

C’est un mauvais rêve.

Un cauchemar même, qui n’en finit pas et apporte jour après son jour son lot de nouvelles désespérantes.

Fervent partisan de Donald Trump, Robert Kennedy junior s’est fait connaitre par ses positions antivax tout au long de l’épidémie de Covid. Nommé ministre de la Santé, Il n’a pas changé d’avis. Alors que les Etats-Unis déplorent leur premier mort de la rougeole depuis 20025, il a d’abord déclaré que la situation n’était « pas inhabituelle ». Puis réduit la vaccination à une « décision personnelle » et continué à faire un lien entre autisme et vaccination contre l’hépatite. Quelques jours plus tard, il affirmait que « des études ont montré que la vitamine A peut réduire considérablement la mortalité due à la rougeole » (sic) et vantait sur Fox News les bienfaits de l’huile de morue contre ce virus.

Non, vous ne rêvez pas.

Au-delà de cet exemple dramatique, c’est toute la science qui est désormais étranglée par l’administration Trump. De toutes les façons possibles, en s’attaquant aux personnes comme aux organisations. Les Etats-Unis ont cessé de financer l’Organisation mondiale de la santé (OMS).  Plus de 10% des 13 000 salariés de l’Agence de météorologie américaine ont été contraints de démissionner, avec « des conséquences irréparables » a réagi l’Agence. Notamment en matière d’alertes en cas de cyclones sur le territoire et de risques pour la sécurité des bateaux naviguant sur toutes les mers du globe. Plus de 1 000 rangers (agents de sécurité dans les parcs nationaux) ont été limogés sans préavis, ce qui laisse craindre des incendies terribles dans les prochains mois. En revanche, la fracturation hydraulique est désormais autorisée, la surproduction de pétrole facilitée, l’utilisation de l’huile de palme encouragée.

Concrètement, le décret signé par Trump va provoquer une catastrophe humanitaire comme le monde n’en a peut-être jamais connu et dont les effets se feront sentir pendant des années et des années. Un désastre parfaitement évitable, que le Président des États-Unis justifie par des motifs aussi divers que discutables, qu’ils soient politiques (« America first », égoïsme national poussé à son paroxysme) ou idéologiques (refus de tout ce qui implique « diversité, inclusion, équité » a-t-il précisé). Et comme si ces mauvaises raisons ne suffisaient pas, Donald Trump y ajoute une couche de fake-news en prétendant que l’un de ces programmes aurait financé « l’achat de préservatifs pour Gaza à hauteur de 50 millions de dollars ».

Environnement, climat, pollution, ressources naturelles. Mais aussi inégalités sociales, parité, pauvreté, défense des minorités. Tout y passe, tout est contrôlé, les sciences « dures » comme les sciences humaines.

C’est la fin d’une « certaine idée de la recherche libre », pour reprendre les termes du Président Macron dans son allocution télévisée du 5 mars dernier. Impossible de s’informer sur la pilule abortive sur les sites officiels américains, la page affiche le fameux Error 404, signe qu’elle a été purement et simplement supprimée. Impossible d’obtenir des informations sur l’avortement : vous êtes automatiquement dérouté vers un site « pro-life ».

Impossible de demander une subvention pour certains projets scientifiques. Plus exactement, certains mots sont littéralement interdits sur les moteurs de recherche gouvernementale : « climat », « genre », « préjugé », « diversité », « noirs, latinos ». Et même « fondé sur les preuves », « équité » ou encore « femme ».

Un pays est-il encore démocratique quand il devient impossible de travailler sur des sujets qualifiés de « woke » ? Quand son Président veut imposer l’expression « Golfe d’Amérique » au lieu de « Golfe du Mexique » ? Quand il interdit la Maison Blanche à l’agence de presse AP (l’équivalent de notre AFP nationale), traité de « fous d’extrême-gauche » parce que cette même Agence continue de parler de « Golfe du Mexique » ?

En 1949, un écrivain britannique avait décrit une société totalitaire où la disparition de certains termes provoquait peu à peu l’épuisement de toute pensée autonome, la fin de toute liberté. Son nom, George Orwell. Son livre, 1984. 2025 en Amérique, c’est (presque) 1984.

Vincent Olivier
Président de Coopération Santé

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