Éditos

MeToo santé : il était temps

« Ça » concerne le monde de la santé dans sa totalité. Tous les établissements : publics et privés, hôpitaux et cliniques, soins de suite et EHPAD. « Ça » concerne toutes les professions : médecins, infirmiers, aides-soignants, kinés et autres.
« Ça » concerne tous les moments de la vie : étudiants, entrants dans la vie active, salariés confirmés.


« Ça », c’est le mouvement #MeToohopital qui émerge donc enfin dans le monde de la santé – car il est évident qu’il ne se cantonne pas au seul hôpital ni à la dénonciation d’un médecin médiatique (Patrick Pelloux) par une médecin médiatique (Karine Lacombe).
De quoi, parle-t-on ? De propos graveleux, de gestes déplacés, d’attitudes inconvenantes. Et, parfois, d’agressions physiques ou de viols. Des actes qui sont, quel que soit leur niveau de gravité, dans la quasi-totalité des cas le fait d’hommes à l’encontre de femmes. Le tout, sur fond de ce qu’on pourrait appeler le « sexisme ordinaire », celui qui est tellement intégré par la population qu’il n’est même pas questionné. Un exemple, tiré d’une enquête réalisée en 2017 auprès de 3 000 futurs médecins : quand un interne entre dans une chambre, il est pris pour un infirmier dans 1,5% des cas. Quand c’est une interne, elle est prise pour une infirmière dans… 71,5% des cas.
Au-delà de ce sexisme ordinaire il y a tout le reste qui est connu, courant, quantifié même depuis des années. Le harcèlement par exemple : ces
« propos ou comportements répétés à connotation sexuelle, à caractère dégradant ou humiliant » (telle est la définition légale du harcèlement qui constitue, je le rappelle, un délit), près d’une étudiante en médecine sur deux le subit au cours de sa formation. A ma connaissance, aucune étude équivalente n’a été réalisée auprès des élèves infirmières ou aides-soignantes, mais rien ne permet de penser que les chiffres seraient très différents.
Car des harceleurs, on en trouve partout. Selon l’enquête mentionnée plus haut, c’est dans 50% des cas un médecin (et le chef de service dans 10%) ; un collègue masculin dans 28% des cas ; dans 15% un autre professionnel de santé ; et un patient (ou un membre de son entourage) dans 9% des cas. Des faits qui ne sont signalés qu’une fois sur six, que ce soit par peur des retombées possibles ou par conviction que ça ne servirait à rien (respectivement 24 et 38%).
Voilà qui explique sans doute pourquoi le mouvement #MeToo a mis si longtemps à émerger à l’hôpital et plus généralement dans l’ensemble des structures de santé. Sur ces enjeux, il règne aujourd’hui encore une omerta quasi générale. Le fameux « esprit carabin » n’est pas tout à fait mort. Les directions d’établissements sont mal à l’aise avec le sujet. Les professionnels rechignent à se dénoncer entre eux. D’autant qu’à l’échelle individuelle, le risque est réel pour celui ou celle « par qui le scandale arrive », notamment en termes de carrière future.
Heureusement, les temps changent. La législation avance. Les comportements évoluent peu à peu. La parole se libère. Pas toujours, pas chez tou(te)s, mais le mouvement est amorcé. Qui oserait le déplorer ?

Vincent Olivier
Président de Coopération Santé

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