Tribunes

La précarité étudiante : quels enjeux pour le système de santé de demain ?

Dans un contexte politique instable et l’annonce d’une “année blanche”, les étudiant·e·s sages-femmes sont particulièrement touché·e·s. Avec un salaire de 219€ par mois, comment pourraient-ils·elles ne pas être précaires ? Leur bien-être, affecté par cette précarité, quelles seront les conséquences sur la qualité des soins si les professionnel·le·s qui les prodigues ont un sentiment de mal-être dès leurs études ?

Etat des lieux de la précarité des étudiant·e·s sages-femmes

En septembre, l’Association Nationale des Étudiant·e·s Sages-Femmes (ANESF) a sorti son annuel indicateur du coût de la rentrée. 3192€, c’est le prix qu’un·e étudiant·e sage-femme de 2ème année dépense pour sa rentrée1. Ce chiffre, prenant en compte les frais de vie courante ainsi que les frais spécifiques de rentrée universitaire, ne cesse d’augmenter d’années en années.
Entre la rentrée 2024 et 2025 ce coût à augmenté de 1,20%1. Concernant les frais de vie courante, il est aussi révélateur d’une hausse des loyers et des consommables alimentaires. Pour ce qui est des frais de rentrée universitaire, une augmentation des frais de scolarité et de la Contribution à la Vie Étudiante et de Campus est observée.
Dans un contexte où une année blanche pour 2026 a été annoncée par l’ancien Premier Ministre, cette précarité ne risque que de s’accroître et de toucher de plus en plus d’étudiant·e·s. Une continuelle hausse de tous ces frais, sans augmentation des aides sociales, n’est pas envisageable.

Des réformes plus que nécessaires

Ayant le statut d’étudiant·e hospitalier·ère uniquement dès le 2ème cycle, et avec une rémunération ne dépassant pas 219€ net en 4ème année, cela ne suffit pas pour subvenir à leurs besoins. De plus, les étudiant·e·s sages-femmes faisant des stages dès le premier cycle, sont précaires très tôt dans leur cursus. Il est donc nécessaire d’obtenir des indemnités kilométriques à frais réels et ce dès le premier cycle ainsi qu’une réforme du statut d’étudiant·e hospitalier·ère.

Actuellement la gestion des bourses des étudiant·e·s sages-femmes est attribuée aux régions mais un transfert de cette gestion vers les CROUS est en cours. Il est cependant urgent de réformer le système de bourses afin de garantir une stabilité financière à tous·tes. Les mesures urgentes à mettre en place sont une indexation sur l’inflation, une linéarisation, une territorialisation en Ile-de-France et dans les départements et territoires d’Outre-mers et enfin la fin du système d’éviction.

Des conséquences sur la qualité des soins

La précarité étudiante a un fort impact sur la santé mentale des étudiant·e·s sages-femmes.
En 2024, c’est 62% de ces étudiant·e·s qui présentaient un syndrôme dépressif, contre 18% en 20182.
Aujourd’hui, 29% des étudiant·e·s sages-femmes exercent une activité rémunérée en parallèle de leurs études afin de subvenir à leurs besoins2. Cette précarité financière ainsi que la surcharge de travail engendrée sont les causes principales de l’augmentation de l’apparition de troubles dépressifs majeurs.

La dépression altère des fonctions cognitives essentielles telles que la concentration, la prise de décision et la mémoire, éléments indispensables à la pratique sécuritaire et efficace de la maïeutique. Elle peut également diminuer la motivation, la disponibilité émotionnelle et l’empathie envers les patientes, compromettant ainsi la relation de confiance qui constitue le socle du suivi périnatal. Par ailleurs, une fatigue psychique persistante peut accroître le risque d’erreurs, réduire la vigilance face aux situations d’urgence et altérer la communication au sein de l’équipe soignante.

Ainsi, le mal-être psychologique des étudiant·e·s sages-femmes ne se limite pas à une souffrance individuelle : il a un impact systémique sur la qualité des soins prodigués aux femmes et aux nouveau-nés. Favoriser la prévention, la détection précoce et la prise en charge des troubles dépressifs au sein des formations en maïeutique apparaît donc comme un enjeu majeur pour garantir à la fois la santé mentale des étudiants et la sécurité des patientes. Cela passe également par la prévention et la prise en charge de la précarité étudiante.

Leïla JAMIN,
Porte-parole de l’Association Nationale des Étudiant·e·s Sages-Femmes (ANESF)
porteparole@anesf.com

¹ Dossier de presse – Indicateur du coût de la rentrée 2025 – ANESF -Septembre 2025 – https://anesf.com/wp-content/uploads/2025/09/Dossier-presse-23-INDICAT EUR0ADU-COUT-DE-LA-RENTREE.pdf
² Dossier de presse – Enquête santé mentale – ANESF – Avril 2024
https://anesf.com/wp-content/uploads/2024/04/DP-ESM.pdf

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