Tribunes
Pour préserver santé mentale et esprit critique : vivre en ambiance verte et aller à la source !
Les médias grand public français se sont faits l’écho d’un message accrocheur sur « Les villes moches, mauvaises pour la santé » 1,2 . Des travaux scientifiques sont cités, rarement sourcés. De quoi ce remous médiatique est-il le nom ?
La science a-t-elle réellement objectivé un impact sur la santé de la vie en « villes moches » ? Tout semble parti de la publication le 2 janvier 2025 d’un article sur le site wired.com : « It’s official: boring cities are bad for your health »3.
Et, effectivement une remarquable étude longitudinale de grande ampleur, menée par une équipe britannique a objectivé que vivre dans un environnement végétalisé ou avoir un accès immédiat à des espaces verts et aquatiques (parc, lac, plage…) réduit la survenue de troubles mentaux courants (anxiété et dépression). Ces conclusions ont été publiées en 2023 dans le Lancet Planetary Health4.
Une étude solide
La méthode est solide : une cohorte de plus de 2,3 millions d’habitants du Pays de Galles, âgés de 16 ans et plus, a été constituée et étudiée pendant douze ans (2008-2019),
soit près de 20 millions de « personnes-années » de suivi. Les données de santé étaient suivies via le dossier du médecin traitant des habitants.
Les critères d’ « ambiance verte » (ambiant greenness) et d’accès à des « espaces verts et aquatiques » (GBS : Green and Blue Spaces) étaient déterminés quantitativement en s’appuyant sur l’analyse de photographies par satellite :
- Index EVI (Enhanced Vegetation Index) déterminant la présence d’espaces verts pour la mesure de l’ « ambiance verte » dans les 300 mètres autour de chaque logement du Pays de Galles5.
- GBS access (Green and Blue Space : espace vert ou aquatique) mesurant l’accessibilité d’un tel espace dans un rayon de 1600 mètres autour de chaque logement. Ce seuil de 1 600 mètres correspond à l’éloignement du domicile à partir duquel une baisse significative de l’utilisation de ces espaces avait déjà été objectivée. Au-delà de ce seuil, l’étude s’est également intéressée à la distance entre le domicile et l’espace vert/aquatique le plus proche.
Ces indicateurs « d’ambiance verte / espaces verts-aquatiques» ainsi constitués, le travail a consisté à observer la survenue de troubles psychologiques courants (Common Mental Disorders), à travers les dossiers médicaux tenus par les médecins traitants. Étaient recherchés les symptômes, diagnostics et traitements de troubles anxieux et de dépression.
Et les conclusions sont très intéressantes avec la puissance d’une étude longitudinale de telle ampleur :
- Après ajustement, l’exposition prolongée à une « ambiance verte » réduit d’environ 20% l’incidence des troubles mentaux (anxiété et dépression) (odds ratio 0.8, IC95% : 0.8-0.81)
- L’éloignement du domicile d’un espace vert/aquatique augmente l’incidence de ces mêmes troubles mentaux, à raison d’environ +5% tous les 360m supplémentaires (Odds ratio 1.05 tous les 360m supplémentaires, IC95% : 1.04-1.05)
- L’effet positif de la proximité des espaces verts/aquatiques est plus grand pour les populations défavorisées.
Que retenir de cette étude ?
Au final, une étude longitudinale de grande ampleur a bien objectivé ce que l’intuition semblait nous indiquer : la santé mentale est directement et positivement associée à l’ambiance verte du lieu de vie et à l’accessibilité à un espace vert ou « aquatique ».
Cette confirmation objective la place de la végétalisation comme facteur de santé des populations et pourrait contribuer à placer les débats sur ce sujet à un niveau scientifique.
Œuvrer contre la monotonie urbaine n’est pas qu’une histoire de goût mais bien une affaire de santé. Une attention particulière doit être apportée aux populations défavorisées pour lesquelles le lieu de vie « non vert » est donc malheureusement un déterminant défavorable de santé supplémentaire.
Dr Paul-Émile HAŸ,
Membre du comité d’orientation de Coopération Santé
L’étude complète est accessible en ligne : https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(23)00212-7/fulltext
Ambient greenness, access to local green spaces, and subsequent mental health: a 10-year longitudinal dynamic panel study of 2·3 million adults in Wales
Geary, Rebecca S et al.
The Lancet Planetary Health, Volume 7, Issue 10, e809 – e818
Références :
(1) https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/le-billet-sciences/les-villes-moches-et-ennuyeuses-sont-mauvaises-pour-la-sante-expliquent-des-scientifiques-3326946
(2) https://www.ledauphine.com/magazine-sante/2025/01/13/comment-les-villes-moches-et-ennuyeuses-alterent-notre-sante
(3) https://www.wired.com/story/boring-cities-are-bad-for-your-health/
(4) https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(23)00212-7/fulltext
(5) Photographies printemps 2008-2019, avec retraitement des artefacts liés au nuages notamment
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