Tribunes

Infirmiers et infirmières : quelle place dans le système de santé de demain ?

Depuis ces dernières années, la profession infirmière est au centre de nombreuses évolutions. Parmi elles, une nouvelle définition de la profession, un nouveau référentiel d’activités et de compétences, une restructuration des formations, le déploiement de la pratique avancée … Comment expliquer toutes ces nouveautés, pour une profession au cœur du système de santé ?

Vers une nouvelle définition de la profession infirmière

« Est considérée comme exerçant la profession d’infirmière ou d’infirmier toute personne qui donne habituellement des soins infirmiers sur prescription ou conseil médical, ou en application du rôle propre qui lui est dévolu. »¹


Telle est la définition de la profession infirmière aujourd’hui, inscrite dans le Code de la Santé Publique. Pourtant, ces termes sont très éloignés de la réalité que vivent les infirmiers au quotidien.


C’est pourquoi une évolution législative est nécessaire. Celle-ci a vu le jour par une initiative parlementaire, de la députée Nicole Dubré-Chirat et du Député Frédéric Valletoux. L’enjeu de ce texte est de mettre à jour la loi sur la profession, ajoutant la notion de consultation infirmière, de diagnostic infirmier et de prescription infirmière. Le 11 mars 2025, le texte a passé la première étape de son parcours législatif, en étant adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale.


Une fois la loi promulguée, il restera à attendre la publication des textes réglementaires, notamment le référentiel d’activités et de compétences, qui remplacera celui qui régit la profession infirmière aujourd’hui.

Une formation portée par l’évolution de la discipline scientifique

Depuis une vingtaine d’années, plusieurs temps forts ont marqué les formations infirmières.

En 2009, la formation-socle a connu une grande réforme, rapprochant la formation de l’Université. Les élèves infirmiers sont devenus des étudiants, et les écoles infirmières, des instituts de formation en soins infirmiers rattachés à l’Université. Après cela, l’année 2018 a été marquée par la mise en place de la pratique avancée en France, une formation entièrement intégrée à l’Université. Un an plus tard, la section 92 du Conseil National des Universités, dite CNU 92, consacrée aux sciences infirmières, a été créée. Ensuite, en 2022, la formation d’infirmier de bloc opératoire a connu une réforme, lui conférant une équivalence de master. Depuis octobre 2023, face à l’évolution de la profession et du système de santé, une réforme structurelle de la formation socle est en cours, dans la continuité de l’émancipation de la discipline des sciences infirmières. En parallèle de cela, la première École Universitaire de Recherche en sciences infirmières a vu le jour en décembre 2023 à Paris.

Toutes ces évolutions reflètent l’enjeu du déploiement de la recherche comme levier d’émancipation de la profession infirmière.
Ainsi, les sciences infirmières tendent à se rapprocher du modèle « Licence – Master – Doctorat », dit LMD. De ce fait, la formation-socle doit laisser une plus grande place à l’Université dans les enseignements, permettant ainsi de se rapprocher du modèle de Licence universitaire. Les formations de second cycle (c’est-à-dire les formations d’infirmier de bloc opératoire, d’infirmier anesthésiste, d’infirmier en pratique avancée et d’infirmier puériculteur) doivent représenter le niveau master. L’ouverture de la CNU 92 ainsi que de la possibilité de mener un doctorat en sciences infirmières constitue le troisième niveau du système LMD.

Prendre soin des étudiants en sciences infirmières, c’est prendre soin des soignants de demain

Selon une enquête de la Fédération Nationale des Étudiants en Sciences Infirmières (FNESI), 70% des étudiants infirmiers déclarent avoir déjà pensé à arrêter leur formation. Les chiffres de la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES) dressent également le constat d’une formation à démographie décroissante. Ce, malgré les politiques menées depuis 2020 qui visent à augmenter les capacités d’accueil en première année de formation.

Selon l’enquête de la FNESI, la première raison qui pousse les étudiants à envisager d’arrêter la formation est liée aux conditions de stage. Il s’agit pourtant de la première expérience de notre système de santé, dans lequel il prévoit de s’engager à la fin de sa formation. Il est donc essentiel d’investir dans la qualité de la formation, sans forcément chercher à former plus, mais plutôt à former mieux, et de valoriser les initiatives d’encadrement réussies. Les étudiants infirmiers ont fait le choix de s’engager dans une profession à fortes responsabilités, il est important de les accompagner au mieux dans le processus de professionnalisation.

La valorisation des compétences infirmières pour améliorer l’accès aux soins

Le cœur du système de santé, c’est d’assurer la santé de la population. Pour cela, chaque professionnel a son rôle à jouer.
En 2023, la proposition de loi de la Députée Stéphanie Rist « portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé » est adoptée par les deux chambres parlementaires le 19 mai 2023². Cette loi met en place, pour les infirmiers en pratique avancée (IPA), un accès direct et ouvre la possibilité de la primo-prescription par ceux-ci. Ces deux notions jouent un rôle crucial dans l’accès aux soins de la population. De nombreuses situations font partie du champ de compétences des infirmiers en pratique avancée, il était donc nécessaire de les reconnaître. Les différents textes réglementaires en lien avec l’application de cette loi ont tout récemment été publiés, le 20 janvier 2025 pour le décret sur l’accès direct³, et le 25 avril pour l’arrêté sur la primo-prescription⁴.

Ces récentes évolutions sont corrélées, autant pour les formations que pour la profession infirmière. Les attentes des professionnels pour une valorisation de leurs compétences sont grandes, et les étudiants continuent de s’investir dans cette profession en pleine évolution.


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