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Reda Guiha, président de Pfizer en France : « Pour innover, il faut savoir considérer le changement comme une opportunité »

Cancers, maladies rares, bronchiolites… nombreuses sont aujourd’hui les pathologies dont le traitement et la prévention connaissent des avancées spectaculaires. Président de Pfizer en France, Reda Guiha met toutefois en garde notre pays contre un risque de déclassement en matière d’accès à ces innovations. Il découlerait selon lui d’un manque de cohérence entre l’ambition de la France d’être une nation innovante en santé et une politique de fixation des prix des médicaments qui nuit à l’investissement.

L’innovation en santé est le moteur qui a permis d’améliorer considérablement le bien-être et l’espérance de vie de nos concitoyens ces dernières décennies. Des avancées thérapeutiques majeures ont révolutionné la prise en charge de nombreuses pathologies, offrant de nouvelles perspectives de guérison ou de gestion de maladies graves ou chroniques.

Par exemple, même si de plus en plus de personnes restent touchées par le cancer, les chances de survie des patients s’améliorent constamment1. Cela s’explique par des traitements plus ciblés et moins invasifs, qui permettent désormais de soigner certains cancers auparavant sans solution, comme le cancer du poumon non à petites cellules avec mutation ALK+. L’intelligence artificielle, intégrée aux outils de diagnostic, permet aujourd’hui de repérer certains cancers à un stade plus précoce, ce qui améliore nettement la prise en charge des patients.

Autre exemple, la mise à disposition de nouveaux vaccins contre la bronchiolite ou les pneumocoques permettent de réduire considérablement les conséquences graves sur la santé ainsi que les hospitalisations. Car au-delà du fardeau humain, l’impact économique de ces infections pour notre système de santé est très important. Le coût moyen d’une hospitalisation pour une pneumonie à pneumocoques est de 7 293€2. Quand on sait que les programmes de vaccination pour adultes peuvent générer des bénéfices socio-économiques jusqu’à 19 fois supérieurs à leur investissement initial, l’équation plaide pour plus de prévention3.

Ces avancées n’auraient été possibles sans l’investissement constant des laboratoires pharmaceutiques dans l’innovation. Près de 800 millions réalisés ces 3 dernières années par Pfizer en recherche, développement et production en France. A l’échelle nationale, le secteur privé consacre près de 6 milliards d’euros par an en R&D, employant près de 12 000 chercheurs4.

Cet effort de R&D permet à notre pays de se maintenir au troisième rang européen pour la réalisation d’essais cliniques, un atout majeur pour attirer les investissements. En y regardant de plus près, on constate que l’oncologie et les maladies rares y contribuent largement, gage que la France sait rester compétitive, mais que dans les autres domaines, la France est à la traine, en bas des classements européens. Comment l’expliquer ?

La France peine à valoriser pleinement sa capacité d’innovation quand nos voisins européens, comme l’Espagne et l’Allemagne, ont su créer un environnement plus favorable à l’innovation en santé. En Espagne, pays européen en tête des classements, les délais de mise en place des essais cliniques sont ainsi 10% plus rapides qu’en France, favorisant l’accès précoce des patients aux thérapies innovantes. Le président de la République a d’ailleurs appelé, mardi 4 février, à « casser les délais » des essais cliniques et à faciliter l’utilisation des données dans la recherche médicale, lors d’un déplacement à l’occasion de la Journée mondiale contre le cancer.

L’équation du prix des médicaments

En France, la fixation des prix des médicaments par les pouvoirs publics, régulièrement revus à la baisse, envoie un signal négatif aux investisseurs. Nos voisins européens affichent des prix moyens supérieurs de 20% à ceux pratiqués en France, ce qui rend notre marché moins attractif. Aux Etats-Unis, les médicaments sont vendus autour de 2 à 4 fois plus cher qu’en Europe.

Si le prix fixé n’est pas suffisant pour lancer le médicament en France, les laboratoires n’ont aucune incitation à y investir en R&D ou en production. Dans un contexte international très concurrentiel, qui se durcit alors que les discussions avec l’administration américaine sur la baisse des prix des médicaments aux Etats-Unis sont en cours, la pression sur les entreprises du secteur est forte.

Deuxième secteur le plus important dans le paysage mondial de l’innovation des entreprises derrière le secteur des technologies de l’information et de la communication, la santé voit pourtant l’écart des dépenses de R&D privée entre l’UE et les Etats-Unis se creuser. Sans un soutien fort à la recherche et au développement de nouveaux traitements, la France risque de perdre son rang de leader dans certains domaines d’excellence, comme l’oncologie, et voir l’accès aux innovations se restreindre. Déjà sur la période 2020-2023, seulement 60% des médicaments et vaccins approuvés par l’agence européenne du médicament étaient disponibles en France, loin derrière l’Allemagne (89%), l’Italie (83%), l’Espagne (71%) ou le Royaume-Uni (65%).

Changer de point de vue pour investir dans la réussite

Le secteur des sciences de la vie est en constante évolution et rester compétitif demeure un réel défi. Les cycles d’innovation dans l’industrie pharmaceutique basés sur la recherche sont longs, coûteux et extrêmement complexes. Le parcours du médicament est un continuum et les pays qui attirent la recherche clinique sont aussi ceux qui proposent les meilleures conditions d’accès aux traitements pour les patients.

En France, cela passe notamment par une revalorisation du prix des médicaments afin de reconnaitre à leur juste valeur les investissements réalisés par les laboratoires. Cette dynamique permettrait d’attirer de nouveaux projets de R&D et de production, générant ainsi emplois, croissance et rayonnement international pour notre pays.

L’objectif du gouvernement de faire de la France la 1ère nation européenne innovante est à plusieurs égards louable et ambitieux, notamment dans sa volonté affichée de renforcer l’attractivité du pays. Une attractivité qui s’apprécie d’un point de vue d’un investisseur comme Pfizer dans la cohérence entre les politiques publiques et leur mise en œuvre sur le terrain de façon globale. Une cohérence mise à mal face à une injonction contradictoire des pouvoirs publics, pris en étau entre la volonté affichée du renforcement de la souveraineté sanitaire française et la réalité de la régulation économique qui est, à l’heure actuelle, incompatible avec la réalisation de cette volonté.

L’innovation en santé n’est pas une charge, mais un investissement pour l’avenir. Elle contribue à améliorer la santé et le bien-être des populations, tout en renforçant l’attractivité de la France en matière de recherche et d’innovation.

Il est temps de saisir l’opportunité de l’innovation pour construire une France plus prospère et en meilleure santé. Changer de point de vue pour investir dans la réussite.

Reda Guiha, président de Pfizer en France

Sources :

1 Le cancer en chiffres (France et monde) | Fondation ARC pour la recherche sur le cancer

2 Fardeau hospitalier des pneumonies et infections à pneumocoque en France sur la période 2013-2019 : résultats de l’étude EPHEBIA, Sabra et al, 2022

3 The Socio-Economic Value of Adult Immunisation Programmes: Socio-Economic Value of Adult Immunisation Programmes – OHE

4 Baromètre 360 du Leem 18 juin 2024

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