L ’industrie pharmaceutique est l’objet d’un étrange paradoxe : en même temps vivement désirée et fortement honnie.
Ce paradoxe n’est pas récent mais la pandémie que nous vivons lui a donné une actualité brûlante, une cristallisation amplificatrice de ses effets.
Que voyons nous en effet : un déferlement sans précédent des théories complotistes contre la « big pharma », la défiance initiale d’une majorité des français mais, très vite, un effritement de cette défiance jusqu’à un remarquable renversement de tendance progressivement étendu à toutes les catégories de la population, en termes d’âge comme de CSP (Catégorie Socio-professionnelle). Comme si, devant un danger mortel devenu présent, les réticences s’estompaient, les « fake news » n’imprimaient plus, la raison l’emportait.
Et si les industriels trouvaient là une piste pour sortir de leur communication ambivalente qui fait douter de leur bonne foi en accumulant des arguments à géométrie variable. Freud présente à ce propos et drôlement «l’argumentaire du chaudron ». Une personne qui est accusée par son voisin de lui avoir rendu un chaudron percé lui répond : premièrement je ne t’ai pas emprunté de chaudron, deuxièmement, le chaudron avait déjà un trou, troisièmement je te l’ai rendu intact. A trop vouloir prouver, on devient non crédible. La sincérité est la première exigence d’une communication visant à réconcilier industrie et société. Ainsi, devrait être mis fin aux pratiques douteuses d’effets indésirables cachés, de biais de publications, de campagnes markéting mensongères etc.
Mais, plus encore, cette exigence doit être portée collectivement afin de crédibiliser la démarche entreprise naguère par le Leem (Les entreprises du médicament) avec la mise en place d’un comité d’éthique resté bien silencieux face à certaines dérives de quelques-uns de ses membres.
Mais ceci, bien que nécessaire, ne suffira pas. Car la relation entre argent et santé repose sur une contradiction entre deux ordres d’idée : une demande humaine infinie et des moyens matériels nécessairement limités. Dés lors, le débat oppose une méchante industrie pharmaceutique qui veut vendre le plus et le plus cher possible face à une gentille société qui veut sauver les individus à n’importe quel prix. Sortir de ce faux débat entre cynisme et utopie implique de s’interroger collectivement sur les choix politiques qui déterminent le niveau des prélèvements publics, la nature du « panier de biens et services remboursables », les choix de vie, dramatiquement mis en lumière dans cette période. L’enchevêtrement entre l’éthique et l’économique rend le débat difficile et l’argumentaire complexe d’autant que le niveau de connaissances économiques de nos concitoyens est faible et la tentation de la pensée binaire forte. Mais l’enjeu de la réconciliation mérite que l’on s’y attarde en profitant d’un retour en grâce dans les relations entre l’Etat et les industriels peut-être passager.
Alain Coulomb – Président de Coopération Santé – Septembre 2021